Aujourdâhui est un jour particulier. Un jour de colĂšre, ce qui nâarrive plus depuis que je suis malade. Alors oui, jâai dĂ©cidĂ© de lâexprimer ici, de me confronter Ă ce Fils de Parkâs qui mâen fait voir de toutes les couleursâ!
Nâen prenez pas ombrage, ne soyez pas triste, car je suis sĂ»re que demain tout sera rentrĂ© dans lâordre.
11 heures du matin, un jour de semaine
Pas de diffĂ©rence avec les autres jours ni dans le traitement ni dans mes activitĂ©s. Et pourtant, ce Fils de Parkâs sâest transformĂ© en tsunamiâ! Aujourdâhui, je suis assignĂ©e Ă rĂ©sidence, en prison. Un jour comme disait ma grand-mĂšre, oĂč tu nâas plus que tes yeux pour pleurerâ!
Mon corps devient mon ennemi, mes pieds se tordent sous la douleur, mon bras droit refuse de fonctionner et mon esprit confus se dilue dans la tristesse. Je sais dâexpĂ©rience, que tout cela va sâapaiser bientĂŽt, mon seul refuge, lâattente.
Mais il est lĂ le nĆud de ma colĂšre aujourdâhuiâ! Heureusement, des jours comme aujourdâhui, il nây en a pas beaucoup. Mais ne pas les reconnaĂźtre et ne pas en parler, câest donner une fausse image de cette maladie. Et je me rends compte que malheureusement nous sommes beaucoup Ă le faire. Et la question qui me vient Ă lâesprit câest : « pourquoiâ? »
Pourquoi ne pas dire la vĂ©ritĂ©â?
Pourquoi laisser les neurologues nous expliquer que le dĂ©passement de soi est notre meilleur atoutâ? OĂč est le dĂ©passement de soi quand quand je mets trois heures, Ă lâaide dâune bĂ©quille, pour aller chercher une simple cigarette dans la piĂšce dâĂ cĂŽtĂ©â?
On me parle de courage, de sport⊠Et moi je suis lĂ , juste en mode survie, au milieu dâun appartement qui ressemble Ă©trangement au radeau de la mĂ©duse. Et oui, je suis en colĂšre, parce que mĂȘme si cela peut en choquer certains, câest mon quotidienâ! Dans cette lutte acharnĂ©e contre un mal que je ne maĂźtrise pas.
Je nâai pas lâhabitude de me plaindre, et je ne le ferai pas
Ce que je veux, câest juste mettre des mots sur la maladie de Parkinson. Sur ce dĂ©sordre chronique qui peut dâune heure Ă lâautre transformer ma vie en enfer.
Le plus Ă©prouvant dans cette maladie, ce nâest peut-ĂȘtre pas la souffrance physique, mais ce va-et-vient quotidien. Un « On »/«âOff », Ă©puisant. Ce que moi jâappelle, le syndrome du petit lapin «âDuracellâ».
Nous les Combattants de lâombre, nous avons une batterie interne dĂ©ficiente. Elle a une vie propre et peut sâallumer et sâĂ©teindre Ă tout instant. Le problĂšme câest que lâon nâa ni chargeur ni mode dâemploi.
Alors oui, on a la chance, pour la plupart dâentre nous, de pouvoir vivre correctement une partie du temps. Mais justement, je me rends compte que câest peut-ĂȘtre cela qui nous plombe. Cela permet de jeter un voile pudique sur ce qui dĂ©rangeâ!
HandicapĂ©e, ouiâ! Car comment appeler ça autrementâ?
Comment peut-on continuer Ă se voiler la faceâ? Aujourdâhui, jâai 44 ans, je suis seule Ă la maison et je ne suis pas sĂ»re de pouvoir attendre les toilettes. Je sais que tout sera une bataille, le repas, mes dĂ©placements jusquâau canapĂ©… Et oui, cela nâarrive heureusement pas tous les jours, mais ça arrive et je trouve ça totalement inhumain de ne pas le prendre en compte. De nous laisser dĂ©sĆuvrĂ©s.
Cette forme de non-reconnaissance nous fait rentrer dans un cercle de culpabilitĂ©, que je refuse maintenant. Câest bien et câest propre de nous dire quâil faut continuer Ă batailler pour travailler, que le sport est notre meilleur atout. Mais les gens qui nây arrivent pas, doivent-ils se sentir coupablesâ? Est-ce que le mot handicap ne doit rimer quâavec fauteuil roulantâ?
Alors oui aujourdâhui, je suis en colĂšre, parce que non seulement je dois surmonter une journĂ©e difficile, mais en plus, jâaurais dĂ» le faire en silence, loin de ce monde bruyant et vivant qui nous refuse une forme de reconnaissance.
Mais moi je le dis haut et fort aujourdâhui, nous faisons Ă©galement partie de ce monde des vivants et nâen dĂ©plaise Ă certains, notre handicap va devenir une force.
Celle de combattre les idées reçues, de communiquer sur la maladie de Parkinson et sur les maladies chroniques en général.
Une force tellurique, bourrĂ©e dâhumanitĂ© et dâhumilitĂ©, et croyez-moi, bien plus optimiste et joyeuse que vos discours ronflantsâ!
Ă bon entendeur, salutâ!
Salut Lili,
Ton abĂ©cĂ©daire est dĂ©jĂ bien rempli, bravo ! Il a aussi l'avantage d'ĂȘtre crĂ©dible et concret. La liste que j'ai commencĂ©e se voulait surtout un clin d'oeil Ă la maniĂšre des listes amusantes qu'on voit souvent sur les rĂ©seaux sociaux. Une fois publiĂ©e, elle a pour vocation d'ĂȘtre partagĂ©e et complĂ©tĂ©e par les internautes concernĂ©s. Je n'avais pas en tĂȘte d'en faire quelque chose de particulier, si ce n'est un peu d'humour. Cela dit, ton abĂ©cĂ©daire et cette liste clin d'oeil peuvent trĂšs bien cohabiter.
Amitié
Clément
My dear Lily,
I hear you, courage, my dear. I think of you.
Rage is good.
All my love,
Ancuta
Cher Clément,
ton message me touche beaucoup ! Je voulais mettre en lumiÚre une autre partie de la maladie, celle dont personne ne parle. Je me rends compte grùce à vos commentaires, que je ne suis pas seule sur ce radeau ! Je ne souhaite évidemment à personne de traverser cette épreuve, mais par contre, si nous sommes plusieurs, je trouve important de témoigner, d'expliquer. Afin que comme le dit si justement Marie-Christine, nous, les combattants de l'ombre, sortions enfin de cette obscurité.
Pour ce qui est de la check list, je suis tout à fait d'accord ! J'avais publié un abécédaire de Parkinson sur le blog : http://filsdep.blogspot.fr/2013/09/labecedaire-de-parkison.html. Dis moi, ce que tu en penses et on va le retravailler avec tous ceux qui le désirent !
Merci du fond du cĆur de vos partages, mon radeau redevient maison et mon cĆur s'apaise !!
A tout bientĂŽt de te lire,
Amitié
Lili
ChĂšre Lili,
Merci, merci, merci ! Ce que tu écris nous encourage à parler, à dire, à hurler parfois. C'est vrai ce que tu décris, ces moments si longs de prison, de punition, d'exclusion. Le Off pour les néophytes. Ou pire, les crises de dyskinésie. Le twist version techno pour ceux qui ne connaissent pas. Cette impression qu'on y arrivera pas cette fois-ci, que c'est simplement au-delà de nos possibilités. Cette peur que le fragile édifice qu'est devenu notre corps se fissure et se déchire à force de lui imposer le dépassement de ses limites.
Et pourtant, on ne dit rien. Pire, on triche en répondant par des mensonges. Pourquoi ? Parce que c'est beaucoup plus simple comme ça. Parce que je préfÚre un sourir rassuré plutÎt qu'un visage emprumté, que j'ai envie de vivre avec un grand V et pas de m'apitoyer et parce que je fais déjà tout ce que je peux pour aller mieux.
Mais j'ai pas envie d'en rester lĂ . Je vous propose de dresser une petite check liste du bon sens parkinsonien Ă l'usage de ceux qui nous entourent de prĂšs ou de loin. Cette liste est bien entendu ouverte et pourrait recevoir les contributions d'autres MP.
> Docteur, quand tu dis Ă ton patient “Je vous rassure, on ne meurt pas de la maladie de Parkinson”, tu ne rassure que toi.
> Parmi les constats scientifiques variĂ©s et divers, il y a une Ă©tude qui montre que les parkinsoniens sont plus souvent concernĂ©s par des problĂšmes dentaires que d'autres. Essaie de te brosser les dents en dansant le twist avec une camisole de force…
> Demander à un parkinsonien comment il va c'est comme demander quel est la météo. Si tu dis pas pour quand tu poses cette question, personne ne peut te répondre.
> Quand tu vois quelqu'un qui tremble et gigote un peu, ne lui dis pas de se dĂ©tendre… Ca Ă©nerve.
> Faire du sport, du yoga, méditer, bien dormir, se nourrir sainement, avoir un vie calme. Tout cela est bénéfique pour luter contre la MP. Fumer, consommer de la caféine, tirer sur un joint et boire de l'alcool aussi (études scientifiques à l'appui).
Merci Lili pour ce que tu fais. C'est important.
Merci Marie Christine. Ton amitié et ta présence à mes cotés me sont précieuses. Fils de Park's a aussi des ondes positives, heureusement ! Notre rencontre en est la preuve ! Pensées affectueuses
Je viens seulement de lire ton texte, j'en ai les larmes aux yeux. Quel magnifique plaidoyer. Tu as raison Lili . Il faut en parler de cette façon, avec les mots justes.les mots vrais car nous ne les inventons pas ces mots . Ce sont les maux que nous ressentons, subissons, que nous impose cette P….. de MP. . Nous devons les transformer en mots pour que le monde sache Ă quel point elle nous fait souffrir physiquement et moralement.
Il ne faut jamais cachér la vérité, pour protÚger qui, quoi , la peur n'enlÚve pas le danger et ce qui arrivera un jour ou l'autre.
On ne combat mieux son ennemi que quand on connaĂźt son mode de fonctionnement.
Et puis se taire ne fait pas avancer la recherche,. Ils ont besoin de savoir pour progresser aussi ., et quoique que l'on en dise cela aide certains des témoignages comme le tien , le mien que j'ai écris il y a quelques mois .
Si cela effraye certains , et bien ne lisez pas mais faire.la politique de l'autruche n'a jamais n'a jamais été la bonne solution
Merci, merci Lili
Les,combattants de l'ombre ne le seront plus bientot.